Ute Reichel est née à Hambourg en 1962. Elle a fait ses études chez Harald Duwe (Hambourg), Hermann Markard (Wiesbaden) et à l’Université des Beaux Arts de Braunschweig (diplôme et étudiante maître). Séjours d’études à Edinburg (Ecosse) et à l’ITB Bandung en Indonésie. Depuis 1991, elle vit comme artiste libre à Hambourg.
L’accent de son travail est sur la peinture et sur les travaux plastiques. De plus, elle crée des éditions des graphiques imprimées et des livres, entre autres elle a publié le livre « Les sénatrices d’Hambourg – conversations lors du dessin ». Entre autres, ses œuvres ont été montrées aux Goethe-instituts de Bandung et Surabaya, dans la cathédrale de Königslutter, la galerie « Alte Post » à Westerland/Sylt, la mairie d’Hambourg, le Torhaus Wellingsbüttel (Hambourg), l’Institut Français, la Kunsttreppe, et le musée Erotic Art à Hambourg. Quelques-unes de ses œuvres font partie des collections publiques.
L’homme – l’énergie – le mouvement
Le galeriste Michael Ferwagner interview l‘artiste
Ute Reichel, vous venez d’une famille de musiciens d’Hambourg et vous avez longtemps joué un instrument. Comment cela a-t-il influencé votre travail artistique ?
Comme j’ai appris à jouer un instrument, il a été tout naturel pour moi que le métier est la base de la création artistique. Ainsi, j’ai déjà très tôt contacté un professeur correspondant pour apprendre à peindre. A Hambourg, ceci a été le peintre réaliste Harald Duwe.
Quelles ont été les influences les plus importantes pour vous?
L’influence la plus importante pour moi était ma maison familiale avec la musique. Dans ma famille, il n’y avait personne qui a fait de la peinture. Pourtant, mon père a acheté des peintures, pas comme collecteur de noms connus, mais simplement ce qui lui plaisait. Dans ma famille, ce n’était pas l’argent qui comptait ou de jolis vêtements, mais des choses de l’esprit comme la musique, la littérature, les beaux arts, etc.
Quel est votre mobile dans votre travail artistique?
Comme enfant et adolescente j’ai fait de la peinture quand j’étais triste – comme aide de surmonter des problèmes. Ceci n’est plus le cas aujourd’hui. J’aime le monde et je voie constamment des images devant mon œil intérieur. Pour moi, des évènements et souvent également la musique deviennent une danse de couleurs et de formes. Et en plus, pour moi, le travail artistique a également une composante érotique, sensuelle. Ce qui est sensuel, c’est le travail avec les couleurs, ce qui est érotique, c’est la corrélation entre les formes et les couleurs ou l’élégance d’une ligne.
Quand avez-vous peint votre dernière mauvaise peinture?
C’est difficile à dire. Pour moi il y a des peintures qui n’avancent plus à partir d’un certain point. Pourtant, je ne les abandonne pas, mais je les mets de côté et continue le travail plus tard. Cependant, pour moi, ces peintures ne sont pas mauvaises mais un défi artistique que j’essaie de surmonter.
En comparaison avec vos œuvres antérieures, vos peintures sont devenues très réduites, vous vous limitez, aussi dans vos travaux plastiques, exclusivement aux surfaces d’ombre et à la silhouette.
Ce qui m’a certainement influencé, c’est mes éditions des gravures sur bois desquelles sont nées des collages en papier ainsi que mes études en Indonésie ou j’ai passé deux ans. Là, j’ai travaillé intensivement avec l’art de la danse et le théâtre d’ombre indonésien. Dans le théâtre d’ombre indonésien, les figures ont deux niveaux de réalité. D’un côté, la figure en bois coloré et de l’autre côté sa silhouette.
Vous avez été chargé de faire le portrait de plusieurs sénatrices pour la Mairie d’Hambourg et vous avez également interviewé les sénatrices pendant les séances. Quelles expériences avez-vous faites pendant ces conversations ?
Pour moi c’était étonnante de voir dans quelle mesure l’attitude des sénatrices envers leur poste a changé au cours de la deuxième moitié du dernier siècle. Les sénatrices de la génération d’après-guerre voulaient servir la société par leur travail politique. Pour les sénatrices plus jeunes, la nomination comme sénatrice a surtout été une étape dans leur carrière personnelle. Du point de vue artistique, le travail a été très excitant pour moi, parce que les dessins devraient avoir une excellente qualité. Chaque sénatrice a passé plusieurs heures dans mon atelier, nous avons constamment bavardé pendant que j’ai fait leur portrait. Ces conversations ont été la base pour le livre « Les sénatrices d’Hambourg – conversations lors du dessin »
Comment la silhouette se développe-elle du dessin traditionnel des portraits ?
En 1998 j’ai passé quelques mois d’hiver seul dans une maison en Provence. J’avais un atelier en pleine air et devait constater que mes peintures avaient gelé dans les pots pendant la nuit. A l’époque, j’utilisais des peintures à l’œuf. Après, j’ai peint dans la cuisine, j’ai acheté du carton en couleurs et j’ai commencé à transformer mes dessins en collages. De cette manière, les premières œuvres en silhouettes se sont développées.
Dans quelle mesure le cycle „Sa Maîtresse » qui a été crée pendant ce séjour en France, reflète-t-il les fantasmes féminins ?
C’est difficile à dire parce que je ne sais pas comment les fantasmes masculins sont en comparaison avec ceux des femmes. Des fantasmes se développent souvent si on n’obtient pas ce que l’on désire. On s’imagine quelque chose et, dépendant des capacités imaginatives, on se crée un substitut, un monde propre, où les désirs sont réalisées. Ou, au moins, on se crée un monde dans lequel on aime séjourner.
Dans vos dernières œuvres vous travaillez presque exclusivement sur la silhouette humaine, comment êtes-vous arrivé là ?
Quand je suis allée dans l’espace avec ma peinture, c’est-à-dire quand j’ai construit des objets avec différentes surfaces assemblées l’une devant l’autre, j’ai constaté que ma peinture expressive ne fonctionnait pas sur ces surfaces. Il faillait réduire les couleurs et j’ai commencé à travailler intensivement sur les silhouettes. L’homme en mouvement, le mouvement comme expression de son état d’esprit a toujours été mon thème.
Dans l’exposition, vous présentez des œuvres intitulées „Blaue Madonna“ (la Madone bleue) ou « Madonna mit Männerstrauß » (la Madone avec un bouquet d’hommes). Est-ce que vous vous référez à l’image de la Madone pendant l’époque gotique ou la Renaissance ?
Ces images de la Madone m’ont toujours intéressé à cause de leur sérénité affectueuse, leur beauté, leur inaccessibilité et leur rapport avec l’enfant Jésus. Les images de la Madone à cette époque sont souvent très érotiques, l’enfant Jésus ressemble à Amour. Ma Madona bleue est une madone de nuit, dans ses mains brûle la vie – dans ce cas sous la forme des hommes. En tenant un bouquet d’hommes dans ses mains, l’image reçoit un aspect badin, enjoué. Ses seins sont érotiques, séduisants. On ne sait pas, ce que « cette femme » fait avec les hommes, comment se sentent ces hommes qu’elle tient entre ses mains. Le sujet de cette œuvre est également le principe de la « féminité », la mère qui regarde cette vie qui lui a été confiée et la protège.
Pour plus de mille ans, les beaux arts ont presque exclusivement été un domaine des hommes. Dans les dernières décennies, ceci a fondamentalement changé. Est-ce que vous voyez une différence entre l’art des femmes et des hommes ?
En principe, il n’est par important pour moi si une œuvre qui me plaît a été créée par un homme ou une femme. Pourtant, autrefois, j’ai trouvé très injuste que les femmes n’avaient presque pas de chance d’apprendre un métier et, si elles ont reçu une formation, ce qui était tout de même le cas de temps en temps, devaient abandonner leur métier en cas de mariage.
Qu’est-ce qui est la chose la plus importante dans votre travail d’artiste ?
Pour moi, la création artistique signifie toujours un „oui“ à la vie. Ceci est indépendant du sujet. Je suis heureuse quand je travaille avec les formes et les couleurs. Je me sens « identique » avec moi-même, à la bonne place dans la vie quand je peins ou je coupe mes figures. Si je fais les « choses normales » de la vie, ce sentiment est rare.
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